Cet engouement s’explique par plusieurs facteurs. Le coût élevé des abonnements légaux, la multiplicité des plateformes, et la simplicité d’accès aux offres pirates pèsent lourd dans la balance. Selon Selectra, près de 5 millions de Français utiliseraient des services IPTV non autorisés, souvent via des boîtiers ou applications qui imitent les offres officielles.
La confusion est d’autant plus forte que l’IPTV en soi n’est pas illégale. Des opérateurs comme Free, Orange ou SFR proposent eux aussi la télévision par internet, mais dans un cadre contractuel clair. Le glissement s’opère lorsqu’une plateforme pirate propose ces mêmes contenus sans aucun droit de diffusion, à prix cassé. Résultat, une zone grise dans laquelle de nombreux consommateurs ne perçoivent plus la frontière entre légal et illégal.
La France tente de reprendre la main avec un arsenal juridique renforcé Consciente de l’ampleur du phénomène, la France a décidé d’agir sur plusieurs fronts. Un projet de loi soutenu par les sénateurs Michel Savin et Laurent Lafon prévoit la création d’un nouveau délit spécifiquement dédié au piratage sportif, comme l’a rapporté Frandroid. Ce texte vise à sanctionner plus sévèrement les diffuseurs illégaux, avec des peines allant jusqu’à trois ans de prison et 300 000 euros d’amende. Même la promotion de ces services, par un simple partage de lien, pourrait valoir un an d’emprisonnement.
La ministre des Sports Marie Barsacq a, quant à elle, annoncé vouloir déléguer davantage de moyens aux acteurs privés sous contrôle de l’Arcom. Actuellement, seuls trois prestataires sont habilités à traquer les flux illégaux en France, contre une trentaine en activité chaque week-end au Royaume-Uni. L’objectif est donc clair. Intensifier les efforts et réduire le délai d’intervention contre les diffuseurs pirates.
À cette dynamique s’ajoute une surveillance plus étroite des fournisseurs de VPN. Une décision récente impose à certains opérateurs de bloquer plus de 200 sites pirates, marquant une première en France. Ces nouvelles obligations montrent que les juges n’hésitent plus à intégrer des outils techniques dans la lutte contre le piratage.
En toile de fond, une course technologique sans fin contre les diffuseurs pirates Si les autorités françaises renforcent leur arsenal légal, la guerre se joue aussi sur le terrain technologique. L’Italie a récemment mis en œuvre un système automatisé baptisé Piracy Shield, capable de bloquer les flux illégaux en temps réel tout en identifiant les adresses IP des utilisateurs. Une opération de grande ampleur y a permis d’amender plus de 2 000 consommateurs fin mai 2025.
Cette approche, jusqu’ici marginale en Europe, pourrait inspirer la France. La publication par la Commission européenne d’une liste noire de 52 sites et hébergeurs pirates, relayée par Le Big Data, montre que les institutions veulent frapper à la racine de cette économie parallèle. Certains outils d’anonymisation comme Njalla ou des protocoles décentralisés comme IPFS sont même considérés comme des facilitateurs du piratage.
Mais cette riposte pose d’inévitables questions. D’un côté, elle traduit une volonté politique de protéger la création et les industries culturelles. De l’autre, elle soulève des enjeux liés à la vie privée, à la sécurité des données, et au risque de blocage abusif de contenus légitimes. En Espagne, des lettres de conciliation ont déjà été envoyées à des utilisateurs identifiés via leur opérateur télécom. Si la France décidait d’imiter ce modèle, les débats juridiques promettent d’être houleux. Science et Vie