Les scientifiques nous l’avaient annoncé. C’est désormais une réalité. Un tout premier point de basculement vient d’être franchi.
Le deuxième rapport mondial sur les points de basculement – le Global tipping points report 2025, comme disent les anglophones – vient d’être publié. Le travail de quelque 160 scientifiques issus de 87 institutions réparties dans 23 pays. Et ce que ces experts révèlent n’a rien de rassurant. Un dépérissement généralisé des récifs coralliens d’eau chaude est en cours. Tellement généralisé que les scientifiques estiment aujourd’hui qu’un point de basculement a été franchi. Le premier d’une potentiellement longue série avec à la clé, des dommages catastrophiques.
Vous pensez peut-être que ce qui arrive aux coraux n’a que peu d’importance. Mais prenez la peine de lire la suite avant de vous faire une opinion définitive. D’abord parce que les scientifiques espèrent pouvoir trouver dans les coraux, le secret de certaines maladies humaines et des idées pour développer les médicaments de demain. Ensuite, parce que les coraux sont de véritables oasis de vie. Ils accueillent plus de 25 % des espèces marines. Et ils nourrissent ainsi directement quelque 500 millions de personnes dans le monde. Autant de gens que les récifs coralliens protègent aussi contre les cyclones et l’érosion.
Sans parler de l’effet bénéfique sur les populations locales de près d’un milliard de personnes de leur attrait touristique. Parce que les coraux, c’est tout simplement magnifique à voir…
Une série de systèmes au bord du gouffre Même s’il n’était question que d’eux, donc, les coraux méritent largement qu’on leur porte de l’intérêt. Mais ce que le dernier rapport mondial sur les points de basculement montre aussi, c’est que d’autres points de basculement sont proches. La fonte des calottes glaciaires – certaines régions pourraient d’ailleurs avoir aussi déjà franchi leur point de non-retour. Le dépérissement de la forêt amazonienne – qui pourrait survenir à une température plus basse que les scientifiques le pensaient jusqu’ici. Ou encore l’effondrement de courants océaniques essentiels. « Chaque fraction de degré, et chaque année au-delà du fameux seuil de réchauffement de 1,5 °C, augmentent le risque de déclencher des points de basculement irréversibles », prévient Nico Wunderling, scientifique au Potsdam Institute for Climate Impact Research (Allemagne), dans un communiqué.
Pour bien comprendre, rappelons qu’un point de basculement – que certains aiment à qualifier de point de non-retour – est défini comme cet instant où un petit changement de plus provoque des modifications potentiellement brutales du système climatique. Des modifications qui écartent en tout cas toute possibilité d’un retour en arrière à court ou à moyen terme. Tim Lenton, professeur au Global Systems Institute de l’Université d’Exeter (Royaume-Uni), le confirme dans un autre communiqué : « Nous approchons rapidement de multiples points de basculement du système terrestre qui pourraient transformer notre monde, avec des conséquences dévastatrices pour les populations et la nature. Cela exige une action immédiate et sans précédent. »
Miser sur les points de basculement positifs Parce que l’autre point important soulevé par ce rapport mondial sur les points de basculement, c’est que ceux-ci représentent une menace différente des autres défis environnementaux. Et que les politiques et les processus décisionnels actuels ne sont pas adaptés pour y répondre. « Prévenir les points de basculement nécessite des trajectoires d’atténuation ciblées qui minimisent le pic de température mondiale, la durée de la période de dépassement au-dessus de 1,5 °C et le temps de retour sous 1,5 °C. Pour y parvenir, les approches durables d’élimination du dioxyde de carbone (CO2) doivent être rapidement déployées à grande échelle », explique Manjana Milkoreit, chercheur à l’université d’Oslo (Norvège).
Selon les chercheurs, la mise en œuvre des mesures susceptibles de déclencher des points de basculements positifs constitue désormais « la seule voie crédible vers un avenir sûr et juste ». « Au cours des deux années qui ont suivi la publication du premier rapport mondial sur les points de basculement, nous avons constaté une accélération radicale à l’échelle mondiale dans certains domaines, notamment l’adoption de l’énergie solaire et des véhicules électriques. Mais nous devons faire plus et agir plus vite. Ce faisant, nous pourrons réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre et éloigner le monde des points de basculement catastrophiques pour le diriger, au contraire, vers un avenir prospère et durable », ajoute Tim Lenton.