Dans un livre à paraître, l’ex-conseiller à la sécurité nationale du président américain révèle de multiples anecdotes sur les méthodes de Trump au pouvoir.
C’est un livre dont les révélations, explosives, pourraient bien entacher davantage la réputation de Donald Trump. L’ex-conseiller à la sécurité nationale du président américain, John Bolton, accuse notamment ce dernier d’avoir demandé de l’aide à la Chine pour gagner sa réélection, en novembre prochain.
Et l’ancien proche du milliardaire ne s’arrête pas là : le livre, qui n’est pas encore paru mais dont plusieurs extraits ont été publiés dans les médias américains, révèle également le peu de considération des proches de Donald Trump vis-à-vis de ses décisions politiques, ou des anecdotes hallucinantes sur sa manière de gérer le pays. Tour d’horizon.
Dans cet ouvrage, intitulé The Room Where It Happened, A White House Memoir, John Bolton raconte notamment comment Donald Trump aurait demandé l’aide de Xi Jinping, le président chinois, pour gagner la campagne présidentielle 2020. En juin 2019, le locataire de la Maison Blanche aurait ainsi « détourné la conversation sur la prochaine élection présidentielle, en faisant allusion à la capacité économique de la Chine et en plaidant auprès de Xi pour qu’il fasse en sorte qu’il l’emporte », selon des extraits publiés simultanément par le Wall Street Journal, le New York Timeset le Washington Post.
Lors de cette rencontre en marge du sommet du G20 à Osaka, le président américain « a souligné l’importance des agriculteurs et de l’augmentation des achats chinois de soja et de blé sur le résultat de l’élection », écrit dans ses mémoires le faucon républicain, hostile au multilatéralisme et volontiers va-t-en-guerre. « Les conversations de Trump avec Xi reflètent non seulement les incohérences de sa politique commerciale mais aussi l’interconnexion dans l’esprit de Trump entre ses propres intérêts politiques et l’intérêt national américain », poursuit l’ancien conseiller de 71 ans.
« Celle-ci et d’innombrables autres conversations similaires avec Trump ont confirmé un comportement fondamentalement inacceptable qui érode la légitimité même de la présidence », accuse-t-il. John Bolton se tourne alors vers la procédure de destitution lancée au Congrès américain par les démocrates contre Donald Trump fin 2019 pour l’affaire ukrainienne, dans lequel il n’avait pas témoigné. « Si les démocrates qui ont défendu la mise en accusation [de Trump] n’avaient pas été à ce point obsédés par leur guerre éclair sur l’Ukraine en 2019, s’ils avaient pris le temps d’enquêter de manière plus systématique au sujet du comportement de Trump à travers tout le spectre de sa politique étrangère, l’issue de la mise en accusations aurait pu être bien différent », assure John Bolton, qui avait pourtant refusé de témoigner devant la Chambre des représentants, préférant, selon certains, protéger un contrat de plusieurs millions de dollars pour ses mémoires.
Son livre avait d’ailleurs déjà fait irruption avec fracas dans la vie politique américaine, en plein procès en destitution, lorsque des passages avaient fait l’objet de fuites dans la presse en janvier. Dans ces extraits initiaux, John Bolton rapportait une conversation d’août dernier au cours de laquelle Donald Trump lui avait expliqué ne pas vouloir débloquer une aide cruciale à l’Ukraine tant qu’elle n’enquêterait pas sur son adversaire démocrate Joe Biden – désormais candidat contre lui à la présidentielle du 3 novembre.
John Bolton écrit ainsi que lui-même, Mike Pompeo et le ministre de la Défense Mark Esper ont tenté à huit ou dix reprises de convaincre Donald Trump de débloquer cette aide à l’Ukraine, que ce dernier avait suspendue en l’attente d’enquêtes de Kiev sur ses opposants démocrates – un dossier qui sera au coeur d’un procès en destitution finalement remporté par le président américain.
Comme l’indique 20 Minutes, John Bolton explique également dans ce livre s’être inquiété, auprès du ministre de la Justice Bill Barr, « de la volonté de Trump de rendre des services à des autocrates », dont le président turc Recep Tayyip Erdogan, qui lui aurait demandé de l’aide pour une entreprise dans le collimateur des autorités judiciaires américaines.
Trump lui aurait alors répondu qu’il « ne pouvait rien faire dans l’immédiat car le procureur de Manhattan avait été nommé par Barack Obama, mais qu’il réglerait le problème plus tard ». Le président américain aurait ensuite choisi un nouveau procureur, Geoffrey Berman, qui a finalement inculpé la banque turque Halkbank malgré les pressions du ministère de la Justice, affirme CNN. Bolton accuse également le président américain d’avoir levé les sanctions contre le groupe de télécoms chinois ZTE comme monnaie d’échange pour négocier un accord commercial avec Pékin, ou encore d’avoir donné sa bénédiction aux camps de Ouïghours en Chine.
Alors que d’influents sénateurs républicains dénoncent sans relâche ces camps, dans lesquels plus d’un million de musulmans Ouïghours seraient abusivement détenus, John Bolton écrit au sujet de la rencontre d’Osaka en 2019 : « Uniquement en présence des interprètes, Xi avait expliqué à Trump pourquoi, en gros, il construisait des camps de concentration dans le Xinjiang. Selon notre interprète, Trump a dit que Xi devait continuer à construire ces camps, dont Trump pensait que c’était exactement la bonne chose à faire ».
Quand Donald Trump ne savait pas situer la Finlande sur une carte
Comme l’indiquaient déjà les chroniques de Michael Wolfe dans Le Feu et la Fureur, John Bolton rappelle également dans son livre les problèmes de culture générale de Donald Trump, qui aurait (légèrement) du mal à replacer la Finlande sur une carte. L’ex-conseiller décrit ainsi un président américain qui aurait demandé à son chef de cabinet, John Kelly, si le pays faisait partie de la Russie…
Le Commander in chief aurait égalment demander à Theresa May, l’ancienne Première ministre britannique, si le Royaume-Uni était une puissance nucléaire. Selon Bolton, briefer le président américain sur la géopolitique ne sert à rien car Trump « passe la majeure partie de son temps à parler au lieu d’écouter ».
Selon John Bolton, les railleries envers le président américain seraient d’ailleurs légion au sein de l’administration Trump. Le secrétaire d’État américain Mike Pompeo, qui affiche une loyauté à toute épreuve à l’égard de Donald Trump, se serait ainsi montré plus d’une fois critique dans son dos, allant jusqu’à l’accuser de ne dire « que des conneries », rapporte l’ouvrage.
L’épisode décrit dans ce livre remonte au premier sommet entre le président des États-Unis et le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un, en 2018 à Singapour. À un moment de cette rencontre historique, Mike Pompeo fait passer à John Bolton, alors conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump, une petite note se moquant du milliardaire républicain : « Il ne raconte que des conneries », glissait-il, selon un extrait publié par le New York Times.
Un mois plus tard, selon le conseiller limogé en septembre dernier, le chef de la diplomatie américaine étrillait la stratégie de rapprochement avec la Corée du Nord, qu’il n’a eu de cesse de défendre en public, estimant qu’elle n’avait « aucune chance de réussir ». Et juste avant le sommet de Singapour, après avoir écouté une conversation téléphonique entre Donald Trump et son homologue sud-coréen, Mike Pompeo avait déjà rapporté à l’auteur du livre avoir « failli avoir un arrêt cardiaque » à cause des propos présidentiels.
Selon le Washington Post, John Bolton assure ainsi que Mike Pompeo fait partie des hauts responsables qui ont envisagé de démissionner. Il s’est par moments montré « furieux » de voir le gendre et conseiller du président, Jared Kushner, empiéter sur ses plates-bandes diplomatiques.
C’est la première fois que des propos critiques de Mike Pompeo sur l’hôte de la Maison Blanche filtrent aussi clairement. Ils ne sont pas sans rappeler ceux de son prédécesseur Rex Tillerson, premier secrétaire d’État de Donald Trump, qui, selon plusieurs médias, l’avait qualifié en privé de « débile ». Les articles sur cet épisode avaient accéléré sa disgrâce, jusqu’à son limogeage en mars 2018.
Les opinions exprimées par l’auteur de cet article ne sont pas celles d’Opera News.