Après dix-huit mois d’une crise diplomatique sans précédent entre Alger et  Paris, un vent nouveau semble souffler sur les relations franco-algériennes. Nommé ministre de l’Intérieur le 12 octobre dernier, Laurent Nuñez a reçu pour mission du président Emmanuel Macron de renouer le dialogue avec l’Algérie et de relancer une coopération sécuritaire longtemps gelée.

Ce changement de ton marque la fin d’une période de tensions alimentées par la politique de son prédécesseur, Bruno Retailleau, adepte d’une ligne xénophobe anti-Algérie. Dès sa prise de fonctions, Laurent Nuñez a tenu à se démarquer clairement de son prédécesseur.

Dans un entretien au Parisien publié le 1er novembre, l’ancien préfet de police de Paris a exprimé sa volonté de se rendre à Alger en expliquant que la stratégie de confrontation n’avait « produit aucun résultat ». Il appelle désormais à une « coopération apaisée » avec Alger, estimant que les tenants de la fermeté « nous mettent en danger ».

Cette inflexion politique, voulue par l’Élysée et soutenue par le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot, s’inscrit dans une volonté plus large de réengagement diplomatique entre les deux pays. Emmanuel Macron lui-même a adressé, à l’occasion du 1er novembre, anniversaire du déclenchement de la Révolution algérienne, un message de vœux à son homologue Abdelmadjid Tebboune, signe d’une volonté d’apaisement.

Les priorités d’un dialogue                                                                                       Invité de France Info, jeudi 6 novembre, le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a défendu une ligne d’équilibre dans la relation franco-algérienne : « Il faut arrêter de faire de l’Algérie un sujet de politique intérieure », a-t-il affirmé, reprenant la position du Premier ministre.

Interrogé sur la visite à Alger du ministre de l’Intérieur, Laurent Nuñez, Jean-Noël Barrot a précisé les priorités d’un dialogue qu’il souhaite apaisé. Il s’agit aussi de renforcer la coopération sécuritaire.

Le ministre a également souligné « l’importance d’une coopération migratoire efficace ». Au-delà des enjeux sécuritaires, Jean-Noël Barrot a tenu à remettre sur la table la dimension économique du partenariat. Selon lui, de nombreuses PME françaises, notamment dans l’agroalimentaire, ont souffert des tensions diplomatiques de l’année écoulée. « Ce sont ces intérêts que nous devons défendre », a-t-il insisté, plaidant pour un rétablissement de la confiance bilatérale au bénéfice des entreprises et des citoyens des deux pays.

Concernant la renégociation des accords franco-algériens de 1968, qui régissent notamment les conditions de circulation et de séjour des ressortissants algériens, Jean-Noël Barrot a rappelé que ce texte avait déjà été revu à plusieurs reprises, sous des gouvernements de droite comme de gauche. Pour lui, la relance du processus doit se faire « dans le respect de la souveraineté des deux pays ».

Retailleau, le grand perdant                                                                               L’ancien ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, apparaît aujourd’hui comme le principal perdant de cette séquence. Après avoir provoqué la chute du gouvernement Lecornu I début octobre, il a perdu son poste et voit son autorité contestée jusque dans son propre camp. En quête de rebond politique, il tente désormais de rejouer la carte du discours anti-algérien, espérant rallier les franges les plus dures de la droite et de l’extrême droite. Privé de leviers institutionnels, Retailleau multiplie les interventions médiatiques pour justifier son approche passée. Selon ses soutiens, dont l’ancien ambassadeur Xavier Driencourt, son « bras de fer » aurait échoué faute de soutien du Quai d’Orsay et de l’Élysée. Une version des faits que dément la nouvelle orientation du gouvernement, tournée vers le pragmatisme et le dialogue. Ce tournant diplomatique n’a pas manqué de provoquer la colère de la droite radicale et des médias d’extrême droite, qui dénoncent un « recul face à Alger ». Sur les plateaux télévisés, les critiques fusent contre la politique de Laurent Nuñez, accusé de « faiblesse ». Pourtant, ce changement d’approche s’appuie sur un constat partagé : la politique de tension a nui aux intérêts économiques et diplomatiques français sans améliorer la coopération sur de nombreux dossiers.

Lourdes pertes pour la France                                                                                     La crise diplomatique a en effet eu des répercussions économiques négatives, notamment pour le secteur agroalimentaire français. L’Algérie, longtemps premier client du blé hexagonal, a réduit drastiquement ses achats auprès de la France au profit d’autres fournisseurs. Le sujet a été évoqué récemment à l’Assemblée française lors de la présentation d’un rapport parlementaire sur le déficit commercial français, soulignant le recul des exportations agricoles vers l’Algérie. Les parlementaires ont pointé du doigt les contradictions de certains élus extrémistes : prônant à la fois la rupture avec Alger par la suppression de visas ou la suspension de coopérations et la défense des intérêts économiques français dans la région.

La démarche de Laurent Nuñez, plus mesurée et fondée sur la confiance mutuelle, pourrait ouvrir la voie à une reconstruction progressive du partenariat franco-algérien. La volonté politique affichée à Paris semble marquer la fin d’un cycle de tensions et le début d’un dialogue plus constructif. En renouant les fils du dialogue, Paris espère relancer les coopérations dans les domaines clés que sont l’énergie et l’économie.

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