Contribution par: Khider Mesloub

Dans son récent article publié sur son site, l’essayiste australienne Caitlin Johnstone, écrit : « La civilisation occidentale ne mérite pas d’être sauvée. Je pense que c’est désormais bien établi. Je dis que cette civilisation, telle qu’elle existe réellement, est un désastre indéfendable.» Elle ajoute : «Cette civilisation est génocidaire. Écocidaire. Omnicidaire. Impérialiste. Raciste. Déshumanisante. Dégradante. Dystopique. Émotionnellement retardée. Culturellement insipide. Spirituellement appauvrie. Intellectuellement asservie. » «Nous n’avons pas besoin de sauver la civilisation occidentale des forces extérieures, nous devons nous sauver nous-mêmes de la civilisation occidentale. Le mode de vie occidental n’a pas besoin d’être préservé, il doit disparaître», assène-t-elle.

D’emblée, rétablissons la vérité sur le concept de «civilisation occidentale»

Une chose est sûre, le concept de «civilisation occidentale» est inadéquat et erroné pour qualifier la culture dominante actuelle, le mode de pensée universel contemporain en société capitaliste avancée. Cette notion de civilisation occidentale est une construction idéologique.

S’il y a une civilisation qui domine le monde, c’est bien le capitalisme. Et pour rectifier et préciser la notion, il faudrait plutôt parler de système économique et social, et non de civilisation. Car l’essence du capitalisme est de produire de la plus-value (profit) ce qui alimente l’accumulation du Capital, finalité ultime – stratégique – de ce mode de production (MPC)  et non de produire de la culture.

Cette « civilisation » s’ingénie à accumuler du capital et non à capitaliser les ingénieuses valeurs humaines civilisationnelles. De transformer la société en marché gouverné uniquement par des rapports marchands et non à rassembler les femmes et les hommes dans une communauté universelle régie par des rapports sociaux de production « authentiquement humains » (sic), fondés sur la satisfaction des besoins et non le profit.

Au reste, c’est une classe sociale et non la culture occidentale qui domine le monde contemporain. Le mode de vie capitaliste est fondé sur la propriété privée des capitaux et des investissements de ceux-ci, non sur une morale et des valeurs spirituelles. La culture, dont la spiritualité  qui émane de cet objectif stratégique ultime (accumuler/valoriser le capital)  est régie- engendrée-  par la cupidité et la consommation compulsive, méthode de  reproduction élargie du capital.

De surcroît, le capitalisme lui-même n’a rien de spécifiquement occidental. De nos jours, il est apatride, cosmopolite, mondialisé et il a produit – engendré – son opposant et son fossoyeur – la classe prolétarienne internationaliste. Les Chinois, bien avant l’Europe, avaient impulsé le mouvement du capitalisme mais il a été tué dans l’œuf par les seigneurs et mandarins chinois parasitaires… ce que l’aristocratie européenne n’a pas réussie.

Toute modernisation est un phénomène social opéré par emprunt. À plus forte raison sous le capitalisme, fondé sur l’extension extraordinaire des forces productives et l’accélération de l’histoire. En moins d’un siècle, sous l’impulsion de la mondialisation capitalistique, des centaines de sociétés, par la force ou par le conditionnement idéologique, se sont transformées, modernisées. À telle enseigne qu’elles sont dorénavant toutes inscrites dans la même dynamique économique et sociale commune du capitalisme mondialisée et financiarisée.

Certes, le capitalisme est un enfant conçu dans les entrailles spatiales européennes chrétiennes, et globalement occidentales, mais fécondé dans le dos de la chrétienté, contre sa volonté stérile, arraché du ventre féodal européen aux forceps. Le capitalisme n’est pas l’héritier du christianisme… le christianisme moderne est le fruit du capitalisme.

En réalité, le capitalisme est le fruit (amer ?) de la bourgeoisie productive. Il est né dans les manufactures créatives des villes florissantes de l’Europe, fécondées par de virils hommes, géniteurs d’une nouvelle génération d’entrepreneurs résolus à révolutionner le monde (ne pas oublier que la Bourgeoisie fut révolutionnaire à une certaine époque). Donc, le capitalisme n’a pas été conçu par la chrétienté dominée des siècles durant par des eunuques incapables d’engendrer la moindre création matérielle humaine, hormis ces fantasmagoriques ruminations pathologiques religieuses, évanescentes et célestes.

Incapable de révolutionner les forces productives du fait de sa stérilité sociale congénitale, l’institution ecclésiastique n’avait aucunement contribué à la fécondation du capitalisme. Au reste, le célibat du christianisme lui interdisait d’épouser l’esprit de créativité, le privant d’engendrer la moindre civilisation matérielle et culturelle humaine. Le christianisme, ennemi de la raison (comme toutes les religions, car, selon la croyance fondée sur la foi, le Livre Saint incréé et indiscutable, contenant toutes les connaissances, a valeur de vérité scientifique, aussi inutile que  d’employer la Raison pour comprendre et transformer notre monde terrestre), a tout juste été capable de bâtir une parasitaire institution ecclésiastique occupée scolastiquement à épiloguer sur le sexe des anges au ciel et de s’adonner au sexe avec les petits anges sur terre.

Le capitalisme n’est donc pas né au sein de l’Église, occupée à s’agenouiller devant le Saint Esprit dans les miteuses églises, mais dans les «laboratoires scientifiques» de la société bourgeoise rationnelle émergente, au cœur des manufactures productives et des villes marchandes dynamiques.

Pour autant, si les sociétés ont été profondément bouleversées ces deux derniers siècles, ce ne fut pas par l’intrusion du modèle idéologique occidental, la civilisation occidentale, mais par la pénétration des techniques, technologies, connaissances scientifiques, moyens modernes de production portées par le capitalisme apatride et mondialiste.

Pour preuve. Des dizaines de pays, notamment d’obédience musulmane, hindouiste, bouddhiste, ou confucéenne, se sont massivement modernisés, transformant leurs archaïques villes en mégapoles dotées de toutes les technologies de pointe, pourvues d’entreprises high-tech, sans pour autant avoir adopté les « dogmes » sociétaux occidentaux, le modèle institutionnel occidental. C’est le système économique capitaliste mondialiste qui est à l’origine de l’extraordinaire mutation de ces sociétés, et de leur unification-mutualisation et non les normes culturelles et sociétales occidentales, autrement dit le modèle occidental de la civilisation capitaliste occidentale.

Certaines de ces sociétés, notamment les sociétés des pays du Golfe, se sont amplement intégrées au mouvement d’ensemble du capitalisme mondialisé, tout en conservant leurs traditions et coutumes spécifiques, qui sont radicalement opposées à celles promues par l’Occident. Autrement dit, ces pays se sont intégrés dans le modèle capitaliste mondialiste, sans s’être occidentalisés.

De fait, il n’existe pas « une civilisation » occidentale, ni une civilisation asiatique, ni une civilisation africaine. Tout comme il n’existe pas de civilisation musulmane ou chrétienne. Il y a des cultures, diverses et variées, portées par un mode de production spécifique : esclavagiste, féodal, capitaliste.

« Qu’est-ce que la civilisation ? C’est l’argent mis à la portée de ceux qui en possèdent », notait l’écrivain Georges Darien. En réalité, le concept de civilisation, particulièrement sa variante supposément racialiste déclinée sous le vocable de «civilisation occidentale», telle qu’elle est véhiculée par les « anti-occidentalistes » qui surfent sur l’islamo-gauchisme et le racialisme, a surtout servi à justifier et légitimer toutes les entreprises d’esclavage et de colonialisme à l’époque de l’accumulation primitive et d’ascension du capitalisme.

Et si, au cours des trois derniers siècles, il y eut des politiques d’anéantissement des sociétés «autochtones», elles furent l’œuvre du capitalisme et non de l’Occident.

De surcroît, l’Occident chrétien n’est pas responsable des entreprises meurtrières du capitalisme naissant. Le capitalisme barbare (c’est un pléonasme) avait fini aussi par annihiler le christianisme, le phagocyter.

Par ailleurs, si on doit parler de domination en matière civilisationnelle, c’est du système capitaliste en tant que mode de production, et non de l’Occident. À juste titre, au plan purement économique, le capitalisme fut largement supérieur à tous les autres modes de production antérieurs. Le capitalisme n’est, de nos jours, ni occidental, ni américain, ni asiatique. Mais Mondial. International. Apatride.

Pour rétablir la vérité, contrairement aux élucubrations anhistoriques de l’écrivaine australienne Caitlin Johnstone, et du Parti des Indigènes de la République, adepte du racialisme, donc de « guerres de races » (en lieu et place de la lutte de classes), ce n’est pas l’entité conceptuelle – intellectuelle – «civilisation occidentale» qui aura brillé par le génocide des Indiens d’Amérique, la torture et l’exploitation des esclaves africains, par le colonialisme, par le pillage de leurs continents, le torpillage de leurs cultures, mais le système capitaliste qui a émergé en Europe. La différence est importante.

Pareillement, ce n’est pas abstraitement la France qui est responsable du colonialisme, mais les classes possédantes et dirigeantes françaises, promotrices du nouveau mode de production capitaliste prédateur. Le peuple français, autrement dit les classes ouvrières et paysannes, ne peut être tenu comptable des entreprises impérialistes et massacres coloniales.

Aussi, contrairement à la posture moraliste de Caitlin Johnstone soutenant que «la civilisation occidentale ne mérite pas d’être sauvée, le mode de vie occidental n’a pas besoin d’être préservé, il doit disparaître», laissant entendre que dans certaines parties du monde existerait une civilisation plus humaine (en Chine capitaliste ? en Russie impérialiste ? dans les pays musulmans féodaux ? en Afrique tribal et gangstérisée), nous proclamons que c’est le capitalisme, désormais mondialisé, qui ne mérite pas d’être sauvé, qui doit impérativement disparaître de la surface du globe.

Khider MESLOUB 
Source:  Les 7 du Québec   

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