En Espagne, le premier ministre, Pedro Sanchez, a, finalement, cédé pour obtenir l’appui controversé de l’indépendantiste Carles Puigdemont.

Le Parti socialiste, du chef du gouvernement, est parvenu jeudi à un accord avec celui de l’indépendantiste catalan Carles Puigdemont, indispensable pour se maintenir au pouvoir.

Après des semaines d’intenses tractations, le premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, a obtenu, jeudi 9 novembre, l’accord du parti de l’indépendantiste catalan Carles Puigdemont, indispensable à sa reconduction au pouvoir, en échange d’une loi d’amnistie très controversée, qui fait monter la tension dans le pays.

Le Parti socialiste du chef du gouvernement et la formation de M. Puigdemont, Ensemble pour la Catalogne (Junts per Catalunya), ont signé tôt jeudi matin un accord, ont rapporté les deux formations dans des messages à la presse, sans donner de détail sur le contenu.

Carles Puigdemont s’est exprimé de Bruxelles, où il a fui après l’échec de la tentative de sécession de la Catalogne, en 2017, afin d’échapper aux poursuites de la justice espagnole.

Saluant une « nouvelle étape inédite » qui doit « contribuer à la résolution du conflit politique en Catalogne », il a toutefois averti que la stabilité du prochain gouvernement Sanchez dépendrait de l’avancée des négociations. « Sans accords, sans respect [de l’accord signé jeudi], la législature n’aura pas d’avenir », a martelé l’indépendantiste, devant la presse à Bruxelles.
« L’accord n’est pas [seulement] un accord d’investiture, c’est un accord de législature » en vue d’assurer « la stabilité [du gouvernement] durant la législature de quatre ans », a pour sa part déclaré, devant la presse à Bruxelles, Santos Cerdan, haut dirigeant du Parti socialiste, qui a négocié cet accord pour le compte de  Sanchez.

Le premier ministre, à la tête du gouvernement espagnol depuis juin 2018, est en passe de réussir son pari de se maintenir au pouvoir après avoir fait mentir les sondages, qui prédisaient sa déroute lors du scrutin législatif du 23 juillet, deux mois après une débâcle de la gauche aux élections locales. Le socialiste avait finalement résisté mieux que prévu à son rival conservateur du Parti populaire (PP), Alberto Nuñez Feijoo, arrivé en tête du scrutin mais qui a été dans l’incapacité de se faire investir premier ministre à la fin de septembre faute d’appuis suffisants au Parlement.

En échange des voix indispensables des députés indépendantistes catalans, Sanchez a dû céder à leur exigence d’une loi d’amnistie pour leurs dirigeants et militants poursuivis par la justice espagnole en raison de leur implication dans la tentative de sécession de 2017, l’une des plus graves crises politiques vécues par l’Espagne contemporaine.
Un « accord honteux », pour la droite

Cette loi, qui devrait permettre le retour en Espagne de Puigdemont, devra être adoptée par le Parlement, une fois que Sanchez aura été investi par les députés, vraisemblablement la semaine prochaine. Mercredi, la Commission européenne a demandé à Madrid des « informations détaillées » sur ce projet d’amnistie.

Porté au pouvoir il y a cinq ans notamment grâce aux voix des partis catalans, Pedro Sanchez a déjà gracié, en 2021, les dirigeants séparatistes condamnés en 2019 à de lourdes peines de prison pour le rôle qu’ils ont joué en 2017. Mais cette nouvelle concession du socialiste aux indépendantistes catalans a fait monter la tension d’un cran dans le pays. Droite et extrême droite accusent M. Sanchez, qui était opposé par le passé à l’idée d’une amnistie, à être prêt à tout pour se maintenir au pouvoir.

Elles ont manifesté à plusieurs reprises pour dénoncer un « scandale » et les rassemblements de l’extrême droite devant le siège du Parti socialiste à Madrid se sont terminés lundi et mardi en échauffourées avec la police ; des images de violences assez inhabituelles en Espagne.

Des organisations proches du parti d’extrême droite Vox ont appelé à une nouvelle mobilisation jeudi soir contre ce qu’elles qualifient de « coup d’Etat ». « Nous sommes face à un accord honteux avec lequel Sanchez va humilier l’Espagne » en étant soutenu par un « fugitif », a dit pour sa part la numéro deux du PP, Cuca Gamarra, en référence à Carles Puigdemont. Figure montante de la droite, la présidente de la région de Madrid, Isabel Diaz Ayuso, est allée jusqu’à accuser le premier ministre de mettre en place une « dictature ».

Le PP a appelé ses sympathisants à se rassembler de nouveau dimanche dans tous les chefs-lieux de départements et une autre grande manifestation est prévue à Madrid samedi 18 novembre. Au-delà de l’opposition de la droite et de la frange conservatrice de la magistrature, qui estime que cette amnistie est une atteinte gravissime à l’Etat de droit, Sanchez fait face aux critiques de certains des barons les plus modérés de son parti.

Et, une fois réinvesti premier ministre, il devra composer avec une majorité qui s’annonce instable. En effet, le parti de Puigdemont et les nationalistes basques du PNV, très proches du monde de l’entreprise, auront notamment du mal à voter la réduction de la semaine de travail à 37,5 heures, mesure phare de l’accord de gouvernement entre les socialistes et leur principal allié, la plate-forme d’extrême gauche Sumar.

Rappelons que la justice espagnole a abandonné le 12 janvier 2023, le principal chef d’inculpation visant l’indépendantiste catalan Carles Puigdemont pour son rôle dans la tentative de sécession de 2017, après l’entrée en vigueur d’une réforme pénale controversée de la gauche au pouvoir.

Si Carles Puigdemont, qui a fui en Belgique pour échapper aux poursuites judiciaires, est un jour jugé en Espagne, cette requalification pénale des faits pourrait entraîner une peine moins lourde à son encontre.

Pablo Llarena, le juge poursuivant l’ancien président régional indépendantiste, « applique la dérogation de la sédition à Puigdemont mais maintient les poursuites pour malversation et désobéissance », avait, alors, indiqué le Tribunal suprême espagnol dans un communiqué.

Puigdemont possède t-il, alors, ses droits civiques ? Jouirait-il de sa qualité de président de parti alors qu’il est poursuivi pénalement ? Et même signer un accord controversé qui divise les espagnols ? Attendons pour voir !

Avec Le Monde/AFP/France24

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