C’est une première depuis 1946 : un président syrien est reçu à la Maison-Blanche. Ahmad Al-Charaa, ex-chef djihadiste devenu chef d’État après la chute de Bachar el-Assad, a rencontré Donald Trump pour avoir la levée du César Act, ces lourdes sanctions américaines qui paralysent encore l’économie syrienne.

Al-Charaa veut que Trump tienne sa promesse de mai dernier : lever les sanctions. Mais, même si le Sénat américain a déjà approuvé leur abrogation, le processus reste long avant un retour de la Syrie dans le système financier international. Et sans investissements réels, la relance économique paraît encore illusoire.

Derrière les discussions économiques, un autre enjeu domine : normaliser avec l’entité sioniste. Washington attend d’al-Charaa un traité de paix qui entérine la mainmise israélienne sur le Golan. Un dilemme.

Derrière cette alliance, se profile ainsi la question des liens avec l’entité sioniste Washington attend de Damas un geste clair vers la reconnaissance de l’entité sioniste, dans la continuité des accords d’Abraham. Un pas lourd de conséquences pour un dirigeant dont le nom de guerre, Al-Jolani, revendiquait autrefois le Golan. Céder sur ce point pourrait lui valoir la rupture avec ses anciens alliés islamistes. Refuser, c’est condamner la Syrie à l’asphyxie financière par l’Amérique.

Les Etats-Unis prévoient aussi d’établir une base militaire près de Damas. La visite doit également officialiser l’adhésion de Damas à la coalition internationale contre l’État islamique. Une manœuvre avant tout géopolitique : Al-Charaa espère que les Américains cesseront alors de soutenir les forces kurdes du nord-est, lui ouvrant la voie vers les régions pétrolifères. Les opérations antiterroristes récemment annoncées à Damas ou Alep ne seraient qu’une « lutte de façade ».

Arrivé au pouvoir en décembre 2024 après la chute de Bachar Al-Assad, l’ancien chef rebelle devenu président par intérim cherche depuis à redonner à la Syrie un rôle central au Moyen-Orient. Cette visite officielle à la Maison-Blanche vient couronner près d’un an de rapprochements diplomatiques menés tambour battant, avec le soutien affirmé des États-Unis et de plusieurs capitales occidentales.

Une normalisation achevée                                                                                         Le déplacement du président syrien à Washington marque l’ultime étape du processus de normalisation d’un dirigeant longtemps perçu comme infréquentable par les occidentaux.

À la veille de cette rencontre, Ahmed Al-Charaa avait profité de son passage à Belém, au Brésil, pour la COP30, afin de s’entretenir avec le président français Emmanuel Macron et le Premier ministre britannique Keir Starmer.

Arrivé à Washington, Al-Charaa a aussi rencontré la directrice du FMI, Kristalina Georgieva, avec qui il a évoqué un plan de coopération pour relancer l’économie syrienne. Selon la Banque mondiale, la reconstruction du pays pourrait coûter plus de 200 milliards de dollars.

Mais le cœur de la visite reste politique. Donald Trump avait promis en mai la levée du César Act, les sanctions américaines pesant sur la Syrie et pousse désormais Damas à rejoindre la coalition internationale contre l’État islamique.

Vendredi 7 novembre, les Nations unies ont levé les sanctions qui visaient encore Ahmed Al-Charaa et son ministre des Affaires étrangères, Anas Khattab, également du voyage à Washington. Cette décision, saluée à Damas comme une  reconnaissance américaine de « la nouvelle Syrie », ouvre la voie à la réintégration dans le giron des États-Unis. Mais derrière cette reconnaissance formelle américaine, le déplacement du président syrien revêt aussi une portée stratégique : obtenir la levée définitive des sanctions économiques, et préparer le terrain à un éventuel dialogue de paix avec l’entité sioniste, alors que les deux pays restent officiellement en état de guerre.

En se rendant à Washington, Ahmed Al-Charaa espère ainsi faire entrer la Syrie dans une ère  de normalisation politique et économique, sous l’œil attentif de Washington.

L’ancien chef rebelle entame ainsi la dernière étape de sa réhabilitation américaine. Cette visite intervient au lendemain de la levée des sanctions des Nations unies et du retrait d’Al-Charaa de la liste américaine des « terroristes mondiaux spécialement désignés ».

En moins d’un an, celui qui dirigeait encore Hayat Tahrir Al-Cham, ex-branche syrienne d’Al-Qaïda, a opéré une spectaculaire reconversion diplomatique.

Il s’est rapproché des États-Unis, du Qatar et de l’Europe. Entre pressions américaines, attentes sionistes et influences du Qatar, de la Turquie et de l’Arabie saoudite, la Syrie d’Al-Charaa a-t-elle une marge de manœuvre ? Le Golan est perdu, et s’il s’y oppose, Trump lui tournera le dos.

Cette visite, plus que diplomatique, scelle la dépendance d’un nouveau régime syrien en quête de survie.

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