La plupart des formations de français dispensées aux étrangers par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) vont être remplacées par une plateforme numérique.

Seuls les exilés qui ne parlent ni n’écrivent le français auront toujours des cours en présentiel. Un changement qui inquiète les acteurs de terrain.

Les étrangers qui passent par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) pour une première demande de titre de séjour ou de protection internationale ne seront plus envoyés en classe pour parfaire leur niveau en langue. Dorénavant, les signataires du contrat d’intégration républicaine (CIR) – un accord obligatoire pour obtenir son premier titre de séjour en France – seront redirigés vers une plateforme numérique sur laquelle ils devront apprendre le français de manière autonome.

Auparavant, les personnes étaient orientées, selon leur niveau d’études et de français, vers des formations linguistiques d’une durée de 100, 200 ou 400 heures. Désormais, seuls les étrangers ne sachant ni parler ni écrire le français, et nécessitant une formation de 600 heures, poursuivront leur apprentissage en présentiel. Une nouvelle plateforme sera mise en place en août, sur laquelle « le nombre d’heures ne sera plus limité, avec des contrôles de l’évolution de l’apprentissage pour accompagner les personnes », explique Didier Leschi, directeur général de l’Ofii. « Cette nouvelle modalité est avantageuse pour les personnes déjà en situation de travail ou demeurant loin des lieux de formation, ce qui générerait des coûts de déplacement », pense-t-il.

Mais cette révolution numérique inquiète les acteurs du secteur. Marianne Bel, chargée de projet « apprentissage du français » à La Cimade et membre du collectif interassociatif Le Français pour tous, redoute tout d’abord une « rupture dans les formations ». « La plateforme n’est pas encore en place, et donc durant juillet-août, il n’y a plus de cours. La réponse à l’appel d’offres n’est pas encore parue officiellement, et le prestataire aura deux mois pour configurer sa plateforme, ce qui reporterait le début à septembre », s’inquiète-t-elle.

« Cela remet en question l’égalité des chances ! »                                                       En outre, Marianne Bel redoute « une vraie dégradation du service public ». Elle s’inquiète des conséquences du 100 % distanciel pour les migrants : « Cela remet en question l’égalité des chances. Il faut avoir du temps pour l’apprentissage en ligne, un espace à soi où l’on peut s’isoler pour travailler, ne pas être perturbé, etc. C’est compliqué ».

Dans cette nouvelle formule, le professeur de français sera remplacé par une intelligence artificielle, signe, selon le collectif, d’un « échec annoncé de l’Ofii pour accompagner les personnes dans l’appropriation et la maîtrise du français ». Le collectif estime en effet que « l’apprentissage d’une langue ne peut être dissocié de l’accueil et d’interactions humaines ».

Les associations craignent également que des migrants, parfois éloignés du milieu scolaire depuis longtemps en raison de leur parcours migratoire, peinent face à un apprentissage isolé devant un écran. « Être tout seul, c’est compliqué. Il faut savoir organiser un apprentissage », commente Marianne Bel.

Le directeur de l’Ofii estime pour sa part que le distanciel a fait ses preuves : « Cela marche très bien, il est utilisé dans des pays comme l’Allemagne. l’ONG Bibliothèques sans frontières utilise avec beaucoup de succès ce type d’outils », assure-t-il.

En Allemagne par exemple, où la délivrance de la carte de résident est conditionnée à un niveau B1, en plus des formations en ligne, l’État prend en charge 700 heures de formation, selon l’étude d’impacts du Sénat sur la loi Darmanin.

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