vendredi 27 juin 2025
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« Votre téléphone est un véritable espion » : pourquoi avons-nous l’impression que nos appareils nous écoutent ?

  • Quelle est la part de hasard, d’espionnage ou de paranoïa ?
  • Près de 14.000 Français, estimant avoir été écoutés sans leur consentement, ont porté plainte contre Apple, imitant un recours collectif déposé, avec succès, aux États-Unis.

Le cas Siri pose questions. Et pas seulement celles adressées à l’assistant vocal d’Apple pour connaître la météo du jour ou le temps de cuisson des spaghettis. Le 3 janvier dernier, au bout de cinq ans de procédure, l’entreprise à la pomme a accepté de verser 95 millions de dollars aux consommateurs américains l’accusant d’avoir enregistré à leur insu leurs conversations privées via Siri. Dans ce sillage, une plainte similaire a été déposée en France le 14 février par la Ligue des droits de l’homme (LDH), représentant près de 14.000 clients de la firme, pour « violation de l’intimité de la vie privée à travers des enregistrements non consentis », via cet assistant vocal. Un outil que proposent bien d’autres marques de smartphones. Faut-il s’en inquiéter ?

L’impression d’être écouté par ses appareils, en tout cas, est tenace. Et très répandue. « Par exemple, je discute avec mes copines et après, quand je vais sur Instagram, je tombe sur une publicité correspondant exactement à ce dont j’ai parlé », décrit une utilisatrice dans l’enquête du JT de 20H de TF1 visible en tête de cet article. Nicolas, l’un des 14.000 plaignants contre Apple, demande même désormais à sa famille de ranger les téléphones dans un tiroir avant la moindre conversation. « Le doute est venu d’un simple fait. J’étais en vacances avec mes enfants. On a parlé d’une certaine marque de polo, assez célèbre. Et trois jours plus tard, je reçois des notifications et des publications suggérées de cette fameuse marque », raconte-t-il.

Une plainte contre Apple en France pour des « enregistrements non consentis » effectués par Siri                                                                                                 L’action en justice entreprise par la LDH s’appuie notamment sur les confidences édifiantes de Thomas Le Bonniec, qui a longtemps travaillé pour un sous-traitant d’Apple et affirme avoir dû retranscrire chaque jour quelque 1.300 enregistrements récoltés par Siri. « Il y avait des moments banals, et d’autres choquants, où vous entendez des choses très intimes, voire violentes, qu’on ne partage pas avec des inconnus. Les collègues entendaient régulièrement des couples faire l’amour », a confié à la justice ce lanceur d’alerte de 29 ans, qui assure avoir conservé de nombreuses preuves de ce qu’il avance, et avoir démissionné après l’écoute d’un homme confiant à haute voix tous les fantasmes pédophiles qui l’excitaient.

De son côté, Apple a toujours nié, y compris lors de la signature de l’accord américain à 95 millions de dollars, tout acte répréhensible et toute responsabilité, reconnaissant cependant la possibilité d’écoutes « intempestives », mais « involontaires », et dont « les données n’ont jamais été rendues disponibles ou vendues ». Il n’empêche : le simple fait que le doute soit permis peut justifier que l’on attaque en justice ce fabricant ou un autre, indique à TF1 Me Julien Bayou, avocats des 14.000 plaignants français, selon lequel « tout ça peut fonder une action en réparation du préjudice d’anxiété, l’anxiété du détournement de vos données, et dans ce cas, c’est à l’opérateur de montrer qu’il a pris toutes les précautions nécessaires ».

Conversations enregistrées par Siri : Apple paie 95 millions de dollars pour arrêter une plainte sur la confidentialité des données

Plus largement, existe-t-il un système mis en place pour que smartphones, tablettes, ordinateurs portables et autres assistants vocaux connectés, tels Alexa d’Amazon ou Google Home, captent nos conversations à notre insu ? « Ce serait techniquement complexe à mettre en œuvre et très cher en ressources, tempère face à notre caméré, sceptique, Tony Martin, chef du service de contrôle des données de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). On a parfois le sentiment qu’on a parlé d’un voyage en Grèce avec des amis et de voir une pub pour ce voyage en Grèce parce qu’on a été écouté, alors qu’en réalité, si on en a parlé, c’est parce qu’on avait fait des recherches la veille sur un site d’une agence de voyage. »

Surtout, les consommateurs ont tendance à oublier qu’ils transmettent souvent eux-mêmes leurs données personnelles en acceptant, par exemple, des conditions d’utilisation qu’ils ne lisent pas. « Votre téléphone est un véritable espion, souligne Roxane Suau, experte en cybersécurité pour la société Pradeo, en analysant celui de notre journaliste. Regardez, là on peut voir que vous avez deux applications à risque, parce qu’elles collectent vos données personnelles alors qu’elles ne le devraient pas. La première, c’est une application qui fait des comparaisons de vols et accède à votre liste de contacts. L’autre, c’est une application de e-commerce accédant à votre journal d’appels. Des données privées, sensibles, qui sont donc exfiltrées par les entreprises qui possèdent ces applications. » Pour s’en prémunir, il suffit de simplement modifier les paramètres de ces applications.

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