Le cratère de Batagaï dans les hautes terres de Yana au nord de la Yakoutie, en Russie, est la plus grande dépression de dégel rétrogressive connue dans le monde. La cavité expose une séquence remarquable de dépôts de pergélisol gelé depuis 650 000 ans. Ce serait le plus ancien pergélisol de Sibérie – et le deuxième plus ancien jamais découvert sur Terre, selon des scientifiques.

Les chercheurs ont prélevé des échantillons du cratère de Batagaï (en Sibérie), que les locaux surnomment la « porte d’entrée vers le monde souterrain », afin de dater ses niveaux de sédimentation. Les résultats offrent un aperçu sur le passé et l’avenir, notamment sur la manière dont les événements climatiques précédents ont impacté la zone.

Le cratère de Batagaï, la plus grande dépression de dégel rétrogressive au monde
Le cratère de Batagaï est un énorme relief thermokarstique. Il est le résultat du processus de « dégradation », qui renvoie à des dépressions et des affaissements de terrain dus au tassement du sol consécutif de la fonte de la glace du pergélisol. Ce chef-d’œuvre naturel d’érosion thermique est apparu dans les années 1990 et ne cesse de s’agrandir depuis. Le réchauffement climatique y serait pour quelque chose, notamment par la fonte du pergélisol.

Déjà en 2017, Frank Günther, chercheur à l’institut Alfred-Wegener à Potsdam confiait au journal De Morgen que ce trou s’était agrandi de 30 mètres en un an, durant les années les plus chaudes. En février 2019, elle faisait près d’un kilomètre de large, et entre 50 et 86 mètres de profondeur. Aujourd’hui, en 2023, les chiffres indiquent que le mur de tête de l’effondrement, la falaise à l’extrémité supérieure de la formation, mesure 55 mètres de haut.

Une étude de datation multiméthode du pergélisol ancien
Après une première publication de leurs résultats en 2021 dans Quaternary Research, l’équipe à laquelle appartient Thomas Opel, Chercheur en paléoclimat et pergélisol, a présenté certaines actualisations en avril 2023. En mai 2023, la Wiley Online Library assurait aussi le relais de leur plus récente publication pourtant sur ces trouvailles dans les terres gelées de la Sibérie.

À l’Assemblée générale de l’Union européenne des géosciences, tenue à Vienne (Autriche), ils ont expliqué avoir utilisé trois méthodes de datation pour révéler l’âge des couches de pergélisol.

La première, la datation au radiocarbone, mesure la désintégration de l’isotope du carbone 14 au fil du temps, fournissant une fenêtre précise remontant à environ 60 000 ans. Pour remonter plus loin dans le temps, ils se sont aussi tournés vers deux autres méthodes. La datation au chlore 36 qui utilise la désintégration d’une variation moléculaire du chlore dans la glace pour marquer le temps, et la datation par luminescence, qui tire parti de l’énergie des photons stockés à l’intérieur de cristaux minéraux ensevelis.

Selon la datation par luminescence, lorsque cette énergie est libérée, elle révèle approximativement la dernière fois que des sédiments auraient rencontré la lumière du soleil. Cumulées, ces méthodes peuvent donc fournir des dates sur des matériaux remontant à 500 000 ans, voire, 1 million d’années.

Le pergélisol de Sibérie, des couches déposées il y a 650 000 ans
Le pergélisol des hautes terres de Yana, de Sibérie, composé à 80% de glace, ont révélé que ses plus anciennes couches ont été déposées il y a 650 000 ans, au cours de la plus grande période glaciaire de l’hémisphère nord du dernier million d’années. Pour la période d’environ 200 000 ans, un défaut « d’archives » expliquerait des résultats moins concluants.

Des liens avec l’état climatique d’il y a environ 130 000 ans et des « lacunes dans le pergélisol » ont été théorisés, compte tenu de la période « interglaciaire chaude » », expliquait Opel à Live Science.

Ce site eurasien est second en ancienneté seulement à celui du Yukon au Canada avec un pergélisol légèrement plus vieux que 700 000 ans, selon les chercheurs.

Batagaï, un site riche en enseignements … et en dangers
« Batagaï est important ! », a déclaré Opel à Live Science. En effet, fidèle à son surnom de « porte d’entrée vers le monde souterrain », ses sédiments conservent un enregistrement long, bien que brisé, des environnements et des climats anciens. Entre autres, ces données recueillies informent notre compréhension des écosystèmes et leurs impacts thermiques éventuels.

Cependant, les prélèvements en ce genre présentent aussi des risques. Au début du mois de juin 2023, Live Science annonçait que des scientifiques découvraient et ‘’ressuscitaient’’ d’anciens virus « zombie » piégés dans le pergélisol et des restes gelés.

De quoi alerter, ou au moins appeler à une grande vigilance.

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