Après une progression de deux ans, le marché des puces mémoires entre dans une phase de dépression et enregistre une baisse à deux chiffres en 2022. Les perspectives sont encore plus moroses en 2023. Les fabricants taillent dans leurs investissements et réduisent leurs productions.
Le moral est au plus bas dans l’industrie des puces mémoires. Après un boom de deux ans, sur fond de pénurie et de flambée des prix, le marché a plongé en 2022 de 15,6% pour les mémoires Dram à 81 milliards de dollars, et de 12,5% pour les mémoires flash NAND à 60 milliards de dollars, selon les chiffres communiqués à L’Usine Nouvelle par le cabinet TrendForce. Cela marque un retournement net après les bonds sur les deux mêmes créneaux de 41,6% et de 21,1% en 2021.
Ce marasme tient à l’effondrement des ventes de smartphones, PC et tablettes, qui absorbent le gros de la production de ces composants électroniques de base, alors que la demande dans les serveurs subit le ralentissement des investissements des entreprises et des fournisseurs de services internet et cloud dans leurs datacenters. La dégradation du contexte économique touche maintenant presque tous les débouchés, à l’exception de l’automobile et de l’industrie, qui restent favorablement portées par l’électrification et la montée du numérique.
Les cinq premiers fabricants pénalisés
Les puces mémoires sont considérées comme des semi-conducteurs banalisés, sorte de matière première de l’électronique. Ils sont présents dans tous les équipements électroniques et informatiques. En raison des énormes investissements que réclame leur production, ce marché est connu pour être volatile avec des cycles alternés d’euphorie et de dépression. Chaque cycle dure environ deux ans.
Cette situation met à rude épreuve les nerfs des cinq fabricants qui dominent le marché: les sud-coréens Samsung et SK hynix, les américains Micron Technology et Western Digital, et le japonais Kioxia (ex-Toshiba Memory). A la baisse de la demande s’ajoutent le gonflement des stocks, l’écroulement des prix et la diminution des taux d’utilisation des usines. De quoi affecter durement le marges des fabricants, comme le montrent les reculs de celles de SK hynix, Micron Technology et Western Digital, dans le rouge au quatrième trimestre 2022.
Vers une consolidation du marché?
La dégradation se ressent tout particulièrement au deuxième semestre 2022. Selon TrendForce, les prix des mémoires Dram ont chuté de 31,4% au troisième trimestre 2022, et de 34,4% au quatrième trimestre 2022, tandis que ceux des mémoires flash NAND ont dévissé de respectivement de 32% et 27,7% sur les mêmes périodes. Pour enrayer la spirale d’érosion des prix, les fabricants sont contraints de tailler dans leurs investissements et de réduire leurs productions.
L’année 2023 s’annonce encore plus difficile. Le cabinet TechInsights vient de réviser à la baisse ses prévisions. Désormais, il anticipe une chute du marché de 29% pour les mémoires Dram et de 31% pour les mémoires flash NAND. Les fabricants devront s’armer de patience. La crise pourrait favoriser une nouvelle vague de consolidation du marché. Selon des rumeurs, Western Digital et Kioxia ont relancé leurs discussions en vue d’une fusion. Les deux entreprises sont partenaires dans le développement et la production de mémoires flash NAND depuis 2000 pour faire contre-poids à Samsung qui domine ce segment de marché. Selon le cabinet Yole Développement, cette fusion ne serait qu’une étape vers une consolidation ultime avec le passage de Western Digital et Kioxia dans l’escarcelle de Micron Technology, qui avait déjà joué le rôle de consolidateur en reprenant les mémoires de Texas Instruments, de Toshiba et d’Elpida Memory, lui-même étant un regroupement des puces Dram de NEC, Hitachi et Mitsubishi Electric.
L’Usine Nouvelle