C’est un palier de plus franchi dans les tensions entre la France et le Mali avec la décision du Mali de dénoncer unilatéralement les accords de défense qui lient les deux pays. Informée de la décision prise le 2 mai par les autorités de transition maliennes, la France a jugé « cette décision injustifiée », contestant formellement « toute violation du cadre juridique bilatéral qui serait imputable à la force Barkhane ». Paris a dans la foulée écarté toute répercussion sur le calendrier du délicat retrait en cours de la force militaire Barkhane déployée au Mali, annoncé en février et censé s’échelonner sur six mois. Le Quai d’Orsay assure que la France « poursuivra le retrait en bon ordre de sa présence militaire au Mali, annoncé en février, « conformément aux engagements pris à l’égard de ses partenaires et dans un souci de coordination et de dialogue respectueux avec les forces armées maliennes ».

Preuve de l’escalade dans la dégradation des rapports entre Paris et Bamako, les autorités maliennes dominées par les militaires ont annoncé lundi soir rompre les accords de statut des forces (Status of Force Agreements, ou Sofa) fixant le cadre juridique de la présence des forces françaises Barkhane et européennes Takuba, ainsi que le traité de coopération en matière de défense conclu en 2014 entre le Mali et la France. Justification donnée par le porte-parole du gouvernement, le colonel Abdoulaye Maïga : « Les multiples violations » de l’espace aérien par les appareils français malgré l’instauration d’une vaste zone d’interdiction aérienne au-dessus du territoire ».

Réunion à huis clos à l’ONU sur le Mali
Le Conseil de sécurité de l’ONU a parallèlement tenu mardi une réunion informelle à huis clos sur le Mali, à la demande de la Russie, qui a accusé la France de propager des accusations mensongères contre Moscou et Bamako, selon des diplomates. Dans une lettre adressée fin avril à l’ONU, obtenue par l’AFP, Bamako avait dénoncé des « violations répétées et délibérées de l’espace aérien national par des aéronefs étrangers, notamment par les forces françaises, à des fins d’espionnage, d’intimidation et de subversion ». « Nous considérons que l’analyse juridique des autorités maliennes selon laquelle le Sofa est dénoncé avec effet immédiat en raison de violations n’est pas fondée. Nous considérons qu’à ce stade le Sofa court toujours, jusqu’à ce que le dernier soldat français quitte le territoire malien », a commenté mardi l’état-major français.

Le fort impact du drone au-dessus de la Gossi
Si les rapports entre Bamako et Paris ne cessent de se dégrader ces derniers mois, en particulier depuis l’arrivée au Mali de paramilitaires du groupe russe Wagner, un récent épisode semble avoir jeté de l’huile sur le feu. De manière assez inédite, l’état-major français a décidé de diffuser des vidéos tournées par un drone à proximité de la base de Gossi (centre), quittée en avril par la France, montrant selon lui des paramilitaires de la société russe Wagner en train d’enterrer des corps en vue de faire accuser la France de crimes de guerre.

Paris a d’ailleurs tenu mardi à réaffirmer sa « vigilance à l’égard de toute tentative de manipulation de l’information » et a rappelé sa « détermination à assurer la sécurité de ses soldats et des soldats européens engagés à ses côtés au cours de cette phase de désengagement ». « Nous nous attendons à de nouvelles accusations injustifiées envers les soldats français, concernant des méfaits, voire des exactions », avertit l’état-major.

Et maintenant ?
Après avoir progressivement quitté les bases avancées de Tessalit, Tombouctou et Gossi, les militaires français doivent encore quitter les bases de Ménaka et Gao (Nord-Est). « Le retrait sera effectif avant la fin de l’été », souligne l’état-major, qui estime faire face à « un problème diplomatique plus que militaire ». Malgré tout, « la vraie problématique est de savoir quelle sera l’attitude des forces maliennes » dans les prochaines semaines, s’inquiète un haut-gradé, en craignant de possibles entraves alors que Barkhane est engagée dans une très lourde et complexe opération logistique pour quitter le Mali, après plus de neuf ans de présence. De leur côté, les Nations unies doivent par ailleurs statuer en juin sur le renouvellement de leur mission au Mali (Minusma), forte de quelque 14 000 Casques bleus et policiers. Le Point/AFP

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