Après la théorie, la pratique: la Banque centrale européenne va décliner jeudi les nouvelles anticipations d’inflation et de politique monétaire issues de sa récente revue stratégique, sur fond de remontée rapide des infections de Covid-19 menaçant la reprise.

L’institution de Francfort tient sa première réunion de politique monétaire depuis qu’elle a, début juillet, dévoilé sa nouvelle cible d’inflation.

Si le Conseil des gouverneurs ne devrait pas apporter de changements à son arsenal de mesures anti-crise, fait de taux bas et d’achats massifs de dettes, il étrennera le nouveau langage clarifié promis par la présidente Christine Lagarde.

Il y a deux semaines, la BCE a annoncé mettre fin à son objectif mal compris, inchangé depuis 18 ans, d’une inflation « en dessous mais proche de 2 % », qui représentait une concession à la Bundesbank allemande, intransigeante sur la maîtrise des prix.

La nouvelle cible fixée à 2 % sur le moyen terme est plus simple et plus flexible : la formulation ne donne plus l’impression de s’inquiéter d’une croissance des prix supérieure à 2 %. La BCE reconnaît possible des déviations modérées et temporaires, au-dessus comme en-dessous de l’objectif.

Après l’unanimité en faveur de cette révision, des fissures pourraient apparaître entre banquiers de la zone euro sur la trajectoire prévue des taux d’intérêt et des rachats d’actifs, au regard de la nouvelle approche.

La reprise des contaminations au Covid-19 pèse, elle, sur les perspectives de la croissance en particulier dans la zone euro, ce qui devrait renvoyer à plus tard toute annonce préliminaire sur la réduction progressive des soutiens monétaires de la BCE.

Dynamique d’inflation

Le communiqué qui sera dévoilé jeudi à 11H45 GMT, pourrait mentionner « la possibilité de laisser l’inflation dépasser de manière transitoire l’objectif, mais comme une éventualité et pas un objectif en soi, à la différence de la Fed américaine », envisage Gilles Moec, chef économiste chez Axa

La récente poussée des prix, après des années de baisse, est jugée temporaire par la BCE, qui table sur le retour d’une inflation à 1,4 % en 2023, toujours bien éloignée de son objectif.

Le taux d’inflation annuel en zone euro s’est légèrement replié en juin, à 1,9 %, après avoir atteint en mai 2 %.

Ces tensions sur les prix font généralement craindre aux marchés financiers une remontée des taux d’intérêt. Mais en tolérant des écarts au-delà de 2 %, la BCE semble signifier qu’il n’est pas question de durcir la politique monétaire alors que la reprise est encore très fragile.

Toutefois, ce dépassement de l’objectif d’inflation « semble encore controversé parmi les membres du conseil », et « c’est pourquoi nous attendons une formulation peu contraignante » à ce sujet, selon Ulrich Kater, chef économiste de Deka Bank.

L’institut doit encore expliquer quelle serait sa « marge de manoeuvre pour la politique monétaire avec une inflation supérieure à 2 % » et « ce que signifie l’expression +période transitoire+ en termes de dépassement d’inflation », selon Franck Dixmier, directeur des gestions obligataires d’Allianz Global Investors.

En attendant septembre

Dans l’immédiat, les taux directeurs vont, selon toute attente, rester à leur plus bas niveau, notamment celui négatif de -0,5 % qui taxe les dépôts en excès des banques, faute d’être distribués dans l’économie.

Le plan d’urgence « PEPP » déclenché en mars 2020 face à la pandémie de Covid-19 devrait lui conserver son enveloppe de 1.850 milliards d’euros, destiné à des achats de dettes privées et publiques afin de maintenir des conditions favorables de financement. Il n’est pas destiné à être dépensé en totalité si les circonstances s’améliorent.

Pour la suite, Mme Lagarde pourrait répéter des déclarations antérieures, en s’attendant à ce que le PEPP serve « au moins » jusqu’en mars 2022 avant d’évoluer ensuite « vers un nouveau format » à préciser.

« Il sera trop tôt jeudi pour discuter d’un chiffrage » des rachats de dette à partir du deuxième trimestre de 2022, selon M. Moec, alors que la prochaine réunion de septembre pourrait apporter plus de clarté.

L’institut voudra alors « voir l’effet du variant delta sur la croissance au troisième trimestre » et « ce que cela implique pour les prévisions économiques ».                                            Le Point/AFP

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