
Emmanuel Macron a reconnu officiellement mardi soir que le “suicide” de l’avocat algérien était bien un crime de l’armée française. Mais qui était Ali Boumendjel, pourquoi a-t-il été torturé puis assassiné ?
C’est devant les petits-enfants d’Ali Boumendjel qu’Emmanuel Macron a reconnu mardi, “ au nom de la France “, que l’avocat et dirigeant nationaliste avait été “ torturé et assassiné “ par l’armée française en 1957. Ce meurtre, avait été jusqu’à présent maquillé en suicide. Retour sur cette affaire.
Contre l’injustice du système colonial
Ali Boumendjel est né le 23 mai 1919, à Relizane, dans une famille riche en talents, imprégnée de voyages, de culture et de combats politiques. Son père, instituteur, lui transmet le goût des savoirs. Le brillant écolier se fraye sans mal une place sur les bancs de la faculté de droit d’Alger “, retrace l’Élysée.
“ C’est fort d’une culture ouverte, généreuse, humaniste, qu’Ali Boumendjel s’engage en politique, contre l’injustice du système colonial et pour l’indépendance de l’Algérie “. Lorsqu’il passe sa licence de droit en 1943, “Boumendjel milite déjà dans le giron du leader nationaliste Ferhat Abbas et de l’Union démocratique du manifeste algérien (UDMA)“, rappelle “France Culture”. En 1955, il intègre le Front de libération nationale (FLN).
Ali Boumendjel a 38 ans quand il disparaît en 1957, laissant derrière lui son épouse, Malika, décédée il y a peu, et ses quatre enfants âgés de sept ans à vingt mois : Nadir, Sami, Farid et Dalila. Il est capturé par les parachutistes français en pleine bataille d’Alger. Retenu dans une caserne, placé au secret, il est alors torturé puis assassiné le 23 mars 1957. Jusqu’à l’aveu du président de la République mardi soir, la version officielle était un suicide : l’homme se serait jeté d’une terrasse du sixième étage. Ni sa famille, qui souligne que Boumendjel était croyant, ni ses proches dans les cercles militants ne croiront jamais à cette thèse du suicide dans ce qui devient aussitôt “ l’affaire Boumendjel “, note “France Culture”.
Premiers aveux dès 2000
En 2000, Paul Aussaresses, ancien responsable des services de renseignement à Alger, avoue pourtant lui-même avoir ordonné à l’un de ses subordonnés de le tuer Ali Boumendjel et de maquiller le crime en suicide.
Mais ses aveux ne changeront pas cette version d’État, jusqu’à aujourd’hui : l’Élysée a reconnu sans détour la vérité pour “ avancer vers l’apaisement et la réconciliation “. “ Aucun crime, aucune atrocité commise pendant la guerre d’Algérie ne peut être excusé ni occulté. Ils doivent être regardés avec courage et lucidité “, a fait savoir Emmanuel Macron mardi.
Gestes d’apaisement
La reconnaissance de ce meurtre fait partie des gestes d’apaisement recommandés par l’historien Benjamin Stora dans son rapport sur la colonisation et la guerre d’Algérie.
Spécialiste reconnu de l’histoire contemporaine de l’Algérie, Benjamin Stora avait été chargé en juillet par Emmanuel Macron de “ dresser un état des lieux juste et précis du chemin accompli en France sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie “. Ce document, remis le 20 janvier, a soulevé de vives critiques, aussi bien en France qu’en Algérie, notamment pour ne pas avoir préconisé des “ excuses “ de Paris pour les crimes coloniaux.
SudOuest.fr